INSTA : rodhainfabien

La Vie, la mort... Carpe diem !

Imaginez. C’est le dimanche 29 août au soir, quelques jours avant la rentrée des classes, et la reprise du travail pour beaucoup d’entre nous.

 

Imaginez… Vous prenez un chouette repas du soir en famille, tous assis autour d’une table ronde. Le soir décline, l’atmosphère de fin d’été est très agréable. Il est 20h30. Le rizotto est vraiment très bon, vous vous resservez. Vous reprenez aussi un verre de vin, du Rioja espagnol. Un peu fort en goût, mais de bonne tenue avec le plat.

 

Il va bientôt être l’heure de coucher les enfants : dans quelques jours, c’est la rentrée des classes. C’est important de leur redonner un semblant de rythme, mais il est tellement agréable, aussi, de retenir l’été… Rien ne semble pouvoir ternir ce moment, comme dans une harmonie parfaite, comme un concerto de Chopin à la Roque d’Anthéron.

 

20h45 : subitement, un violent pincement au front. 

Quelque chose de connu. Réflexe : se donner une baffe à l’endroit précis de l’agression. Vous vous levez subitement, en criant aïe, ou merde, ou ce que vous voulez… Votre femme ou votre homme, vos enfants, vous demandent : « Mais qu’est-ce qui t’arrive ? ».

- Rien, je me suis juste fait piquer par une guêpe.

- Tu as mal ?

- Non, c’est normal… Ca pince, j’ai l’habitude… Je me suis fait piquer au doigt il y a dix jours en taillant la vigne vierge et à bien d’autres reprises auparavant, c’est pareil, ça pince… Sauf que là, c’est au front. Ca pince le front. Bizarre, cette guêpe sortie de nulle part, comme en vol piqué !

 

Les discussions reprennent, vous mettez en bouche une fourchette de rizotto et une gorgée de Rioja.

 

20h48 : la tête vous tourne. Pendant quelques secondes, vous vous dites que cela va passer. La tête qui tourne, c’est banal. Peut-être l’association de la piqûre et du vin ?

 

20h49 : vous n’y tenez plus, il faut parler. Vous dites à votre conjoint(e) : « en fait ça ne va pas, j’ai la tête qui tourne. Je me sens mal ». Au pas de course, il (elle) part chercher de l’Aspivenin.

 

20h49 et 30 secondes : vous puisez dans vos réserves pour souffler à vos enfants : « allez tout de suite rechercher... (maman ou papa)... je suis en train de partir ! Entre-temps, l’un d’eux s’écrie : « mais qu’est-ce que tu as, ta tête est toute rouge ! »

 

20h50 : votre femme ou votre mari revenu (e), il (elle) comprend instantanément la situation, vous fait coucher sur le sol, vous refusez parce que le béton, même un soir d'août, c’est froid. Mais vous n’avez pas la force de résister. Vous vous allongez sur le côté, Position Latérale de Sécurité. Vous vous sentez vous enfoncer dans des abîmes. Le cœur ralentit, vous sombrez. Vous avez à peine la force de murmurer : « Je pars », et vous vous videz de tout ce que vous avez dans le ventre, sans même vous en rendre compte.

 

Vous partez. Un morceau de conscience, comme détaché de vous, en méta-position, vous fait réaliser que vous êtes peut-être en train de mourir. Moi, est-ce vraiment possible ? Avec une pauvre piqûre de guêpe ? Ca m’est arrivé des dizaines de fois, et encore il y a dix jours… Et j’ai une santé de fer ! Mais vous sentez que tout part en vrille. Le cœur, le sang, la peau, la tête. C’est possible que je vive mes derniers instants.

Vous jetez des regards hagards à la personne que vous aimez, à vos enfants. Je ne veux pas qu’ils soient effrayés ! Alors vous tentez de les rassurer : « ça va aller ».

 

20h55 : vous avez l’impression que vous commencez à reprendre le dessus. Ca se calme. Vous tentez de vous redresser et là, deuxième attaque plus violente encore que la première : vous retombez, suffocations, le cœur ralentit encore, la pression chute vertigineusement. Décidément, tout déconne… C’est VRAIMENT possible que je vive mes derniers instants, MOI ! Pourtant, je sais que ce n’est pas mon heure : je suis trop jeune, il y a ma femme (ou mon mari), nos enfants dont trois fêtent leur anniversaire en septembre, il y a toutes ces choses que je voulais faire, il y a mon livre qui sort dans un mois, sa promotion qui commence dans deux semaines, il y a mes rêves d’enfant et mes rêves d’adulte…

 

N’empêche que mourir là, maintenant, si jeune, sur votre propre terrasse, au milieu de votre famille, devient une forte éventualité. Une forte éventualité, une peur certaine, mais pas une certitude. Vous ferez ce qu’il faut pour vivre. Mais votre tête se couche sur le sol, le béton devient presque confortable, vous avez envie de vous endormir. Pas pour abandonner, mais parce que ce serait simplement agréable. Vous n’avez plus aucune force, mais vous entendez la voix aimée vous répéter calmement et inlassablement : « reste avec moi, reste éveillé ! » J’ai envie de m’endormir, ça me ferait du bien, mais je vais lui faire plaisir. Vous luttez. Mais comment fait-elle (il) pour gérer aussi bien cette situation ? Je l’admire, je lui fais confiance. Demande-moi n’importe quoi, je le ferai, pour autant que je le puisse. Tu es génial(e), merci, je t’aime ! Et j’aime les enfants, et j’aime mes proches, et j’aime la vie !

 

21h00 : les pompiers arrivent, comme dans un rêve. La sirène dans ma rue, le gyrophare dans la cour de ma propre maison ! Questions, diagnostic : malaise vagal, vous savez, le truc à la mode depuis que Sarkozy en a fait un pendant son jogging l’été dernier), injections pour faire remonter la tension, poche d’oxygène sur le nez. Vous sentez que vous allez vous en sortir. Quoique, c’est bizarre, ce corps qui ne vous appartient plus, secoué de tremblements qui lui font faire des bonds incontrôlables…

 

21h10 : un médecin urgentiste arrive de la ville voisine. Elle a parcouru la trentaine de kilomètres d’autoroute à tombeau ouvert. Pour moi !!! Elle valide la mesure d’urgence, vous fait porter dans l’ambulance et augmente la dose d’oxygène. Vous êtes toujours mal, mais vous savez que c’est gagné. Les tremblements augmentent, mais peu importe. Je suis sauvé, je vais continuer à vivre.

 

Hospitalisation en urgence pour la nuit avec perfusion et surveillance du cœur et de la tension, prises de sang, moments de délire. Les deux jours suivants, cinq heures d’éveil… le reste de sommeil.

 

Et à la sortie, une nouvelle Conscience : celle d’être vivant, autrement Vivant. De voir différemment ses proches et les moins proches, les arbres, les animaux, les guêpes bien sûr, mais aussi et surtout l’instant présent.

Tout en n’ignorant pas que chacun a ses propres problèmes, l’envie de crier, et surtout d’écrire à tous : « Et si vous Viviez l’Ici et Maintenant, la magie de la Vie ? Bien sûr il y a cette rentrée professionnelle et scolaire, ces soucis avec vos enfants, leurs examens et la future réussite que vous souhaitez pour eux, vos problèmes avec votre mari ou votre femme, votre amant ou votre maîtresse, avec votre compte en banque, avec vos projets, avec la crise, vos craintes pour votre possible retraite ou au sujet des décisions gouvernementales, néanmoins… Et si vous Viviez vraiment dans l’Ici et Maintenant, c'est-à-dire la seule chose qui existe réellement ? »

 

Vous pensez alors que rien n’est plus beau que ces vers du « cercle des poètes disparus », résumés par le fameux Carpe Diem :

 

« Cueille dès maintenant les roses de la vie

Car le temps jamais ne suspend son vol

Et cette fleur qui s’épanouit aujourd’hui

Demain sera flétrie »

 

Vous savez désormais qu’en plus de son indéniable dépendance  au temps, cette Vie ne tient qu’à un fil… Vous en aviez déjà la connaissance « intellectuelle », pour avoir approché la mort comme chacun d’entre nous. Mais à présent c’est différent : votre Conscience en est marquée, vous l’incarnez. Et vous revenez à cette Vie plus Vivant, plein de reconnaissance envers elle.

 

Alors bien sûr, il y a une recherche à faire, parce que le médecin vous explique que vous n’avez certainement pas été victime d’un malaise vagal, mais sans doute d’un choc anaphylactique, mortel. Un empoisonnement par le venin de la guêpe : tout le sang disponible se dirige vers la peau, vidant le cœur. Ca, vous l’aviez bien senti ! Il ajoute que si votre moitié vous avait laissé vous endormir, peut-être ne vous seriez-vous pas réveillé.


Suis-je devenu allergique au venin des guêpes ? En attendant les résultats des tests, je dois toujours avoir sur moi avec une seringue d’adrénaline et s’il le faut, je me ferai désensibiliser. 

 

Mais ceci est secondaire. Cette guêpe, venue de nulle part ou plutôt d’on ne sait où, avait un contrat, une « mission ». Elle l’a remplie.

 

 

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Lettre 2010 09 - La Vie, la mort... Carp
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